«L'œuvre intitulée Fabbrisol consiste en un atomiseur modifié et peint à la main. La décoration est une réinterprétation des différents bocaux de griottes disponibles dans le commerce. Le sirop de griotte sera vaporisé dans l'air, et il sera donc possible d'en sentir l'arôme [...]. La diffusion est réglable de la puissance minimale à la puissance maximale. L'œuvre a besoin d'électricité et, bien sûr, le réservoir doit être rempli de sirop de griotte dilué. L'exposition est prévue sur piédestal.» C'est ainsi que Gaia Scaramella explique son ouvrage qui enflamme les sens, et pas seulement l'œil, qui est immédiatement capté par la beauté de la forme. 

Un enfant au premier plan tient sa bille colorée et la regarde d'un bon point de vue. L'œuvre est peinte dans une dominante bleu ciel (Amandine Samyn aime beaucoup Fra Angelico, ses ciels, ses voûtes, la robe bleue de la Vierge). Il n'y a qu'une seule tache rouge: ce n'est qu'en y regardant de plus près que l'on s'aperçoit qu'elle n'est pas peinte, qu'il y a un trou. Et que ce n'est pas une bille, mais une griotte. Si l'Enfant aux cerises d'Edouard Manet regardait le spectateur avec sa pile de fruits sur le parapet, ce garçon est représenté dans un jeu qui le rend autonome. Il ne s'agit pas de poser, mais de courir. 

La résine est le matériau de prédilection de Barbara Salvucci. Elle est transparente dans beaucoup de ses œuvres qui conservent des traces de tissus, de fleurs, d'éléments naturels comme s'il s'agissait de fossiles. Dans cette œuvre, construite comme un grand bénitier, la résine est blanche. Si des œuvres similaires, exposées entre autres à la Galerie du Temple à Rome en 2013, avec des formes ressemblant à un linceul, contenaient du miel, pour notre Prix, l'œuvre abrite le fruit Fabbri, source de Gaudio. En effet, le décor est un fragment de celui du célèbre vase offert par Gennaro à sa femme Rachele. 

En partant de la couleur des griottes, Marina Sagona a choisi le rose et le rouge pour créer ses petits carrés, qui présentent individuellement des décorations abstraites vibrantes et frappantes : lignes, arabesques, cercles. Il s'agit en fait d'un seul puzzle, d'une construction complexe qui s'enroule le long du mur pour former le nom de l'entreprise Fabbri. 

“La fotografia che propongo contiene diversi elementi che ricorrono nel mio lavoro. Il divano discreta presenza e ‘fil rouge’ che appare da una quindicina d’anni.
Lo scarabeo che in questa nuova immagine fa incontrare nel 1915 La metamorfosi di Franz Kafka e l’elaborazione della ricetta delle amarene di Rachele Fabbri. Il pesce rosso, simbolo di ricchezza e di riuscita di un’impresa familiare. Tutto il lavoro è stato realizzato senza l’ausilio di Photoshop.”
S.R.

Une œuvre d'ombres projetées et démultipliées que celle de Francesca Rao. Voici la double silhouette d'un vase que l'on sait être de Fabbri, en noir et blanc, un langage avec lequel l'artiste s'est déjà exprimée à plusieurs reprises. En bas, il y a deux profils, l'un masculin et l'autre féminin, qui s'approchent l'un de l'autre parce que l'amour engendre l'amour. Ce sont précisément ces figures, ainsi que le choix du monochrome, qui font remonter le cliché dans le temps, lui donnant un air des années 1950, comme si l'image resurgissait d'un souvenir ou d'un vieux film. 

«Je ne pourrais pas créer une œuvre qui décrit le monde extérieur, car la description ne fait pas partie de mes objectifs. Ce que je veux, ce n'est pas parler du monde, mais en faire partie», a déclaré Nazzarena Poli Maramotti lors d'une récente interview. 'est pourquoi sa peinture oscille entre réalité et abstraction, saisissant l'instant, la fugacité des choses, leur devenir continu, comme si tout changeait au moment même où l'œil de l'artiste se pose sur elles. C'est également le cas dans ce Carosello au mouvement circulaire et vibrant qui ne parle certainement pas du monde. Mais cela en fait partie. 

Une douce explosion mise en scène par Luana Perilli. Ces objets sculpturaux semblent vouloir envahir le mur de leur contenu rouge. Perilli crée des œuvres d'une ironie intelligente. Elle est fascinée par l'organisation sociale des fourmilières, par l'organisation parfaite que les petits animaux sont capables de réaliser et aussi d'enseigner à ceux qui les observent. Elle a consacré de nombreux ouvrages à ce thème. Et même notre travail, apparemment éloigné en termes de thème et de réalisation, est construit de la même manière: chaque petite sculpture semble avoir un cœur qui bat, l'ensemble de l'installation n'est pas statique, tout bouge, tout change. Il faut observer et apprendre. 

Cette fois, le vase Fabbri est renversé sur la tête d'une petite fille qui vient probablement d'en finir le contenu. Mais le jeu, dans le cliché d'Alice Pavesi Fiori, se transforme en quelque chose de mystérieux: l'objet cache un visage, empêchant le spectateur de comprendre complètement l'image qu'il a devant lui. À quoi ressemble cette petite fille? Comment seront ses yeux, ses cheveux, ses traits? Qui pourrait la reconnaître? Il y a un élément surréaliste qui modifie un contexte apparemment réaliste. Le contraste est d'autant plus fort que l'image est d'une netteté rare dans l'œuvre de l'artiste. Ses photographies, comme dans le cas de la série Attese, sont en effet le plus souvent décolorées, comme éloignées dans le temps, et prennent une connotation picturale qui est ici totalement exclue. 

Une vidéo légère et enchanteresse de Giulia Palombino, une animation en noir et blanc avec une touche d'Amarena. Le fruit est évoqué dans le four dans lequel on imagine qu'il cuit. Il est raconté par la couleur et la forme des cheveux de la protagoniste qui doit prendre des mesures pour préparer son délicieux gâteau. Puis il apparaît en voltigeant pour atteindre un gâteau avec des jambes et trois pâtisseries à décorer. C'est un voyage qui se termine par une dégustation: la griotte en bouche. Existe-t-il un lieu plus approprié? 

Mention spéciale à Maria Elisabetta Novello pour l'originalité de son travail, qui nécessite la participation du visiteur invité à un véritable voyage plein de suggestions. 

«Quand je pense à Fabbri et à ses Amarene Fabbri, immédiatement ma mémoire est catapultée dans une dimension féerique. Ces souvenirs juteux font partie du passé de ma mère, de mon enfance, et continueront dans la mémoire d'une petite fille d'aujourd'hui. Le vase bleu et blanc que Gennaro Fabbri a offert à sa femme Rachele, représente l'idée du cadeau. Remettre quelque chose entre les mains d'une autre personne renvoie à l'idée du fruit comme nourriture, qui contient la graine, symbole de diffusion. Et c'est cette nature cyclique, le temps, qui m'intéresse. J'ai donc pensé à créer une petite histoire à scruter à travers un View Master, le premier système de vision 3D, un objet culte des années 1950, également lié à mon enfance, redécouvert et réaffecté pour raconter une histoire personnelle. À l'intérieur du petit disque, rond pour indiquer la cyclicité et en rotation continue, des images circuleront, comme pour donner l'idée d'un chemin compris comme un processus de croissance et d'évolution qui se répète dans le temps.» M.E.N. 

Les sujets de prédilection des peintures d'Isabella Molard sont les jardins, les patios, les lieux apaisants, souvent protégés par une riche végétation. Là encore, elle a choisi de représenter un lieu où tout le monde aimerait se trouver, en superposant des images de vases contenant des griottes, fruits présents en abondance, avec celles d'une vieille bâtisse entourée de verdure. Tout est désert mais le spectateur peut imaginer la présence humaine : des enfants qui arrivent pour déguster les délices au premier plan, des hommes et des femmes qui travaillent selon la recette écrite sur le livre ouvert à droite du cercle encadrant une partie de la composition. 

Un paysage d'ombres et de brouillard, pluvieux et gris sur lequel la silhouette du vase de griottes Fabbri se détache comme un bâtiment blanc harmonieux. Kaori Miyayama a choisi un univers presque entièrement monochrome, qui se transforme sous nos yeux en quelque chose de lumineux. Contrairement à ce qui se passe habituellement, elle ne s'est pas laissée séduire par la décoration et par les couleurs du récipient de griottes, mais elle a choisi de se concentrer exclusivement sur le caractère unique de sa forme. Une broderie dorée éclaire la scène et, comme toujours dans son œuvre, tout est dominé par la transparence, la légèreté, la superposition d'éléments sans poids. Même le dos du tableau est recouvert des mêmes marques, comme si elle était incapable, après l'avoir mis en mouvement, d'interrompre ce flux qui enchante et captive le regard. 

Mention spéciale à Chizu Kobayashi pour son Dolce Stil Novo, une élaboration raffinée du vase des griottes Fabbri dans un matériau, tel que le fer, qu'elle allège et utilise comme si, par magie, elle dessinait dans l'air. Que contient le vase Fabbri dans l'œuvre de Kobayashi? La légèreté. Japonaise d'origine ayant étudié dans son pays et vivant aujourd'hui en Italie, Chizu travaille en dessinant le monde. À sa manière. Avec un fil de fer noir qu'elle utilise comme un crayon. Ses traits enchantés contiennent le vide, un élément fondamental dans la culture visuelle de son pays qui fait du bien au regard. Le noir et le blanc de cette œuvre ne sont interrompus que par le rouge de la griotte dans la bouche du petit oiseau. 

Balustrades, arcs, fenêtres séparent l'espace des peintures d'Ana Kapor de celui de la réalité. L'artiste est née en Serbie mais vit en Italie depuis 1983 car c'est là que se trouve la peinture qu'elle aime. De nouveau, à l'arrière-plan, un paysage typique de notre pays est entouré d'une ouverture qui, tout en l'éloignant, l'encadre et nous le fait reconnaître comme un élément familier. Au premier plan, un récipient, celui de Fabbri, contient des billes et, sur le bord de la fenêtre, trois griottes Fabbri apparaissent comme des symboles. Il n'y a personne, comme toujours dans ses œuvres. Le temps est suspendu, mais le spectateur peut imaginer le retour de quelqu'un, un enfant dont on imagine les jeux solitaires. 

Fascinée par le paysage, Alessandra Giovannoni a de nouveau choisi d'encadrer une rue, celle où se trouvent les bureaux de Fabbri. Les couleurs sont typiques de l'artiste : les ocres avec lesquels elle représente habituellement sa Rome et le bleu ciel typique de ses marinas. Le grand vase de griottes donne le ton de la composition. La peinture de Giovannoni ne détaille jamais et construit à nouveau l'image, surtout à l'arrière-plan, dans des taches de couleurs dominées par la lumière.

Depuis la création du Prix Fabbri, les artistes ont utilisé le célèbre vase de la manière la plus diverse. Tamara Ferioli l'a métamorphosé en globe. En effet, elle a dessiné une carte sur son contour, en utilisant le blanc et le bleu ciel, les couleurs non seulement de la décoration Fabbri, mais aussi celles de la mer. Un globe rempli de griottes serait une solution aux nombreux maux qui affligent la planète. Une belle leçon de géographie. 

Une petite et précieuse nature morte est celle de Francesca Ceccarelli pour le Prix Fabbri. 

C'est précisément le vase de griottes qui lui donne son ton: la rangée de tasses en porcelaine empilées à gauche, et le petit bol sont également blancs et bleus. La cuillère au premier plan a pour tâche de créer une relation entre l'espace du tableau et la place du spectateur. Et elle a une véritable «jumelle» dans celle qui se trouve un peu plus en arrière, à l'intérieur du récipient, où apparaît le seul élément qui interrompt le chromatisme de la composition: un ton chaud et une fine ligne rouge évoquant la couleur du fruit en question. 

Prix unanime de la photographie décerné à l'œuvre de Gea Casolaro pour la puissance visuelle avec laquelle elle a su fouiller dans les archives de la mémoire, en donnant de l'espace au travail de l'homme, ou plutôt dans ce cas de la femme, en le combinant avec l'harmonie d'une nature respectée, donnant vie à une nouvelle et possible Alchimia. Le triptyque de Gea Casolaro comporte, au centre, les fleurs des griottes qui ont donné naissance à l'aventure qui fête aujourd'hui ses cent ans, et sur les côtés, dans une image répétée, comme dans un miroir, deux des protagonistes qui l'ont rendue possible dans les coulisses : les ouvrières de Fabbri sur une photo d'époque. Ce montage d'images, issues de contextes différents, est caractéristique de l'ensemble du travail de l'artiste. L'un des cycles les plus fascinants, intitulé Visioni dell'Eur, combine l'architecture du quartier romain, la vie quotidienne et l'imagerie cinématographique. 
Dramatique et poétique à la fois, l'installation vidéo «Ai caduti d'oggi», dédiée à ceux qui sont morts au travail, a été exposée à Rome à l'occasion de la réouverture du Palazzo delle Esposizioni, où un ouvrier avait effectivement perdu la vie. Il y a là un sourire, mais Casolaro rend également possible une célébration lyrique dépourvue de toute rhétorique des nombreuses femmes qui ont concrétisé l'idée de Rachel de manière importante. Un travail qu'elle aurait certainement apprécié. 

Amarena Fabbri a 100 ans, mais pour beaucoup des artistes invités à cette occasion, c'est l'âge de leur enfance. La production d'une œuvre pour l'exposition a également signifié un voyage dans le passé pour Anna Caruso. De là naissent les images en noir et blanc qui constituent sa composition picturale, principalement construite sur les tonalités froides du bleu ciel et des verts. Des couleurs définies par l'élément pivot de la toile: le vase bleu et blanc, ici renversé. L'artiste travaille sur la superposition d'images et, ici aussi, elle s'est déplacée de cette manière, entre l'espace du rêve et la mémoire. «Le plus beau rêve était le rêve non rêvé», comme le chante Francesco De Gregori. 

Le Pomeriggio de la Napolitaine Iole Capasso est caravagesque. La figure féminine dans le miroir, dont on ne voit qu'une partie du visage, est représentée devant une fenêtre ouverte sur un mur nu. Un fond neutre: le fond typique que Caravage destinait aux protagonistes de ses œuvres, comme Madeleine ou Narcisse, tous deux évoqués par cette image. Les coupures de lumière proviennent également de la même source. Un seul objet accompagne le miroir: le vase des griottes Fabbri, blanc et bleu comme la longue ceinture qui ferme la robe de la jeune fille. De la même couleur que le fruit. 

La photographie encadrant de biais la célèbre décoration du vase de griottes Fabbri devient tridimensionnelle grâce à ce cœur rouge, qui semble faire allusion à la couleur des griottes, réalisé avec l'intervention du kirigami, une technique orientale de découpage et de pliage du papier déjà utilisée par l'artiste. L'œuvre semble ainsi se transformer en une composition d'anciens carreaux de faïence, ce qu'on appelle en napolitain des «Riggiole», capables de réunir deux cultures éloignées qui révèlent toute leur puissante beauté sans entrer en conflit. Une nouvelle harmonie poétique sous-tend l'œuvre de Camporesi, même lorsqu'elle encadre des paysages, d'anciennes prisons abandonnées, des bâtiments, son interprétation particulière d'Ophélie ou de Michelangelo Antonioni. 

La protagoniste de ce storyboard, conçu par Silvia Argiolas, est vraiment une fille particulière : ses seins sont des griottes et sa tête est le vase conçu par Fabbri pour les contenir. Son apparence et celle de ceux qui l'entourent sont celles d'idoles qui semblent mettre en scène une série de rituels dans lesquels elle apparaît comme la seule note de couleur dans l'obscurité.La composante installative des tableaux n'est pas inhabituelle dans l'œuvre de l'artiste, et de son amour du cinéma naît ce besoin de mettre en mouvement une histoire réelle à travers des images successives. 

Plus connue pour ses œuvres en plastique recyclé, Enrica Borghi réalise également des photographies qu'elle appelle Fetish Food et dans lesquelles elle habille de dentelle, de boucles d'oreilles, de culottes, de bas résille, des poires cuites, des cuisses de poulet et des pâtisseries. La robe qu'elle a créée à cette occasion pour ses bonbons à la griotte est en dentelle noire. Sur le fond se trouve l'éternel vase bleu et blanc. Et le titre joue sur la contradiction qui, dans la langue italienne, existe entre le verbe et l'adjectif pluriel: «amare», soit aimer et amères en français. Mais, grâce aux points de suspension, nous savons qu'une seule terminaison suffit pour que ce même mot devienne un nom commun, le nôtre: Amarena. 

Prix de la sculpture décerné à Marisa Albanese pour la cohérence de son œuvre «Combattenti faentine», réalisée à l'occasion du Prix, dans laquelle on retrouve les thèmes habituels de son imagination, déclinés avec grâce et sagesse selon les exigences du thème proposé. 

À la station Quattro Giornate du métro de Naples, les Combattenti de Marisa Albanese se rencontrent, suspendues, immobiles, concentrées. Nous les avons ensuite vues dans différents endroits, comme aux Fori Imperiali lors de l'exposition Postclassici. Elle semble tenir quelque chose d'invisible dans ses mains et a «tatoué» sur ses bras et ses jambes des traces de la décoration blanche et bleue du vase Amarena Fabbri. Ces femmes blanches créées par l'artiste, avec leurs casques qui les protègent et, en même temps, les éloignent en les projetant dans on ne sait quel futur, sont des figures lointaines, hiératiques, mélancoliques. Nous les imaginons victorieuses parce que nous reconnaissons leur puissance et leur énergie, mais Albanese les dépeint au terme de la bataille. Tout comme Donatello qui, dans sa représentation du David, ne l'encadre pas en plein combat, mais immédiatement après. Et il lui reconnaît une subtile tristesse. Car il y a aussi de nombreuses façons de tirer profit d'un triomphe.